samedi, février 17, 2007

La Pharaone de Hédi Bouraoui


Ayman rencontre Imane, au hasard d'un jour dans la ville grouillante du Caire, tout près du Nil où le temps coule sans mesure. Ainsi débute le roman (1) de Hédi Bouraoui (2). Un couple formé dans l'effervescence. Qui va croître. Qui, inéluctablement, affrontera des épreuves. C'est qu'il est copte-chrétien. Elle, musulmane. Rien de nouveau sous le soleil. Tout se répète. Indéfiniment.
Depuis, sans doute, l'aube des temps.

Le temps! Voilà une grande question. Et l'auteur l'aborde indirectement à travers les errances des personnages et le je de celui qui raconte. Je , Barka Bousiris, le scribe, l'Hannibal d'hier et le maghrébin d'aujourd'hui, l'amant réincarné venu réactiver la geste de sa Déesse - Hatchepsout , à l'origine des valeurs humanistes bien avant les Grecs et les Romains- qui se met à franchir l'épaisseur de l'Histoire.
Car, Barka Bousiris, né à Carthage, résidant au Canada, conférencier de réputation internationale, projette sur Ayman l'image juvénile qui perdure en lui et trouve dans Imane - la pharaone -, l'objet de son délire. Le lecteur devine à partir de là, le choc de la découverte qu'Imane et Hatchepsout ne seraient peut-être qu'une seule et même personne. L'auteur le dira lui-même dans la transparence de son discours : Imane et Aymane, Hatchepsout et moi.

Barkar débarque au Caire avec une amie, Margaret, une blonde d'origine irlandaise qui a fait le voyage pour délier ses noeuds existentiels, après un divorce. Elle sera bientôt rejointe par sa fille, Betty, qui a dans ses poches de quoi vivre pour ne pas faire appel à elle.
Les épreuves commencent quand Imane , prise d'un besoin mystique, décide, après avoir rêvé une nuit d'hiver, à un Livre d'une luminosité inouïe, de cacher ses cheveux sous un foulard et de porter le hidjab, la tenue conforme à la tradition islamique. Ce n'est pas pourtant le seul élément qui va déclencher la discorde au sein de sa famille. Ses parents sont opposés à ce qu'elle continue à sortir avec Ayamane.

Imane quitte en fin de compte sa famille. Son père, Rahmane, furieux quitte à son tour la maison familiale, perd la mémoire et va errer de cimetière en cimetière avant de disparaître dans une mort sans but. Une balle perdue et des traces de couteaux après avoir été pris dans l'engrenage d'une manifestation, dans cette Égypte où la violence surgit de temps à autre, inattendue. La disparition de Rahmane donnera naissance cependant à l'amour de Béchir, le frère d'Imane, pour Betty, sèmera l'espoir d'un mariage possible entre Imane et Ayman.

Barka lui-même dans cette Égypte, mère du monde, voit ressurgir le passé avec Francine, une amie d'enfance, un amour de jeunesse. Francine deveu directrice du centre culturel du Caire. Mais Imane, l'Harchepsout des temps modernes, reste son Croissant fertile.

Ayman et Imanr finiront par se marier. Un mariage de contrastes et d'oppositions. Une cérémonie sobre: le long préambule sur les liens du mariage, la signature des témoins et des époux et, enfin la Fatiha pour clore en religion islamo-chrétienne les liens de la vie.

Mais, rebondissement et épilogue de l'histoire, Barka disparaît alors qu'il admirait dans une zone archéologique interdite au public, la statue de son Hatchepsout et que la terre se dérobe sous ses pieds. C'est que Barka en fin de compte était l'incarnation du Scribe de Hatchepsout, la pharaone. Première femme dirigeante de l'humanioté, celle qui a bouleversé l'ordre social, politique et religieux de son époque. En mourant dans l'éboulement, Bourka Bousiris rejoint ainsi dans l'éternité la femme mythique.

Barka Bousiris est omni-présent, avec son regard et sa voix, du début jusqu'à la fin du roman, un roman - un conte? - écrit, ne l'oublions pas, par un poète. Et nous savons que les poètes quelles que soient les traverses de la vie, cherchent l'Éternité.

Dans La Pharaone, le passé et le présent se mêlent. C'est un roman à lire. C'est le livre de la mémoire transculturelle, celle qui respecte la différence dans l'unité, qui marie la tradition à la modernité. Le transculturel comme avenir de l'humanité. D'où ce croisement de destins, ces déchirures... humaines, trop humaines, semblables à celles que nous cotoyons quelles que soient les lattitudes. C'est la matière même de ce livre que l'on quitte avec le sentiment d'avoir déjà connu les personnages quelque part.


(1) Hédi Bouraoui, La Pharaone, L'Or du Temps,Tunisie, 1998.
(2) Hédi Bouraoui est membre de la Société Royale du Canada (Académie des Lettres et des Sciences Humaines). Il est l'auteur, traduit dans plusieurs langues, d'une vingtaines de recueils de poésie, de plusieurs essais et de trois premiers romans: L'Icônaison, Bangkok Blues et Retour à Thyna. Défenseur du transculturel, son dernier conte, paru en langue arabe, Rose des Sables, est un chant d'amour et de paix entre les peuples.

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