mardi, avril 28, 2009

Mohand Saou, derrière les verres de ta paire de lunettes

Pour les auditeurs, il est évident que l’énoncé de ton nom renvoie aux émissions spécialisées, aux journaux parlés, à une voix discrète qui, en fait, incarne parfaitement le personnage que tu étais.
Oui, Mohand, je dis bien personnage, tant il est vrai que derrière les verres de ta paire de lunettes, il y avait ce regard si particulier que tu avais.

Tantôt espiègle, quand tu devinais le scénario d’une blague que l’on voulait ensemble faire, tantôt complice, quand, de connivence, on découvrait les arcanes de la politique, tantôt sombre et grave quand, ensemble, avec notre ami commun Bahi Barkat, autour d’un gobelet en nylon, on tirait des plans sur la comète afin d’essayer de comprendre les tenants et les aboutissants des crises successives qu’a connu notre pays.

C’est durant cette période de 1994 qu’on vivait tous les trois dans la salle de documentation de la radio, transformée en anti-chambre de l’amitié, mais aussi de controverses, de polémiques frôlant la dispute. En fait, on se disputait par plumes interposées, quand on se boudait pour des motifs intellectuels.

Qui se souvient de ces dazibaos qu’on affichait publiquement chaque matin à la salle de rédaction? On ne risquait pas d’arriver en retard puisqu’elle était voisine de la salle de documentation, notre dortoir!

Des écrits ironiques, teintés d’un humour perfide que nous adorions tous les deux; dès lors qu’on se ciblait de cette manière au grand plaisir de nos lecteurs, nos collègues de l’époque, dont Mouloud Belabdi que tu surnommais le Dalaï-Lama, Mouloud étant d’une nature très calme.
Puis, ce fut l’épopée des chambres dites sécuritaires, à Zeralda, où tu avais appris à mijoter deux ou trois plats, dont le couscous, et le fameux riz au thon.

En 1998, on repartait chez nous, la tête pleine de souvenirs. Depuis, des collègues sont partis. Tu viens de les rejoindre après avoir affronté dans la solitude des êtres dignes, ton mal qui n’a été décelé que tardivement.

La vie d’un homme n’est qu’une lutte pour l’existence avec la certitude d’être vaincu.

Guy de Maupassant avait raison.

Zine Benbadis
Alger, Alger Chaîne III, 21/04/2009

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