vendredi, avril 15, 2011

Benjamin Stora : l’impact des soulèvements qui se déroulent dans le monde arabe

Benjamin Stora, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Paris VIII et INALCO (Institut national des langues et civilisations orientales, en France), auteur et conférencier connu, s’est penché cet après-midi, à l’Université de Montréal, sur l’impact des soulèvements qui se déroulent dans le monde arabe.
M. Stora a d’emblée parlé de surprise quant à ces soulèvements qui ont commencé en Tunisie avec la révolution du jasmin. Une surprise similaire à un tremblement de terre. Il y a bien eu un basculement que personne en effet, n’a pu prévoir.

L’Histoire, dira M. Stora, est toujours en mouvement. Et il relève la détermination de ceux qui sont descendus dans la rue. Ce sont des jeunes manifestants, un phénomène générationnel qui concerne une tranche d’âge spécifique, celle qui a entre 20 et 30 ans, celle qui n’a pas connu l’ère des indépendances. Pour le conférencier, c’est une nouvelle histoire qui commence. C’est un mouvement qui va se poursuivre dans la durée. En d’autres termes, le geste qui vient d’être posé demandera 10, peut-être 15 ans pour se concrétiser pleinement.

Le conférencier a fait référence à l’histoire des indépendances, un mouvement amorcé dans les années 50 et qui a eu pour conséquence une glaciation politique, l’instauration d’un parti unique ou d’un système autoritaire. Durant cette période de glaciation, les mouvements d’opposition n’ont jamais cessé de lutter pour la démocratie en dépit de la répression partout dans le monde arabe - une référence géographique pour désigner cet ensemble de pays qui va de Bagdad à Rabat. C’est pour cela, qu’il parle de l’instauration de l’autoritarisme sur la base de la conflictualité. Cet autoritarisme a voulu effacer de la mémoire collective, dans chaque pays pris séparément, toutes les oppositions. Dans ce contexte, la question palestinienne est devenue une légitimation des pouvoirs en place.

Aujourd’hui, souligne Benjamin Stora, c’est la fin de ce cycle. C’est l’épuisement d’une génération, celle qui a conduit à l’indépendance et celle qui était dans l’opposition. Dans le mouvement en cours, on dénonce les indépendances confisquées. La reconstruction du lien national, c’est la refondation de la république.

De ce fait, toutes les questions sont autorisées : qui sommes-nous? Arabes? Berbères? Musulmans? Et les Chrétiens? Et ceux qui ont une autre croyance? Quel type de constitution voulons-nous? Quels partis politiques autoriser? Quelle type de société faut-il construire ?

Ces questions sont en discussion à Tunis et le seront ailleurs dans le monde arabe. En somme, on reprend l’histoire là où elle s’est arrêtée avec la confiscation des indépendances. Des questions anciennes reléguées aux oubliettes pendant plus de quarante ans.

Peut-on parler d’un effet dominos? Pour Benjamin Stora, nous sommes dans un temps historique où le retour en arrière est impossible.

À propos de l’Algérie, des grèves et des manifestations empêchées, il dit que c’est un mouvement social qui cherche son expression politique. En d’autres termes, l’égalité politique et citoyenne. Les gens renouent consciemment ou inconsciemment avec le fil de l’histoire confisquée, avec Le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques, le MTLD. Quel étrange retour en arrière! Et quelle merveilleuse appropriation de la revendication première durant la nuit coloniale.

Pour ceux qui craignent une prise du pouvoir par les islamistes, Benjamin Stora rappelle ce qui s’est passé en Algérie – une leçon pour le monde arabe. Et il insiste sur la nécessité de la sécularisation de l’espace public. Un parti islamique peut exister dans un espace séculier, mais il ne pourra jamais changer ce que la majorité du peuple aura choisi comme libertés, croyances, système de gouvernement.

En rentrant à la maison, j’ai vu en lisant les journaux que le président Bouteflika, en Algérie, a annoncé une révision de la Constitution. C’est une excellente initiative. Cependant, je ne serais pleinement satisfait ou du moins apaisé que lorsque je connaîtrais les membres de la Commission constitutionnelle.

Une constituante aurait été le chemin le plus court.

Mais, attendons pour voir.

Aucun commentaire:

Publier un commentaire