lundi, février 17, 2014

Mouloud Hamrouche : Pour sa survie, l’Algérie a besoin d’un nouveau compromis historique


M. Mouloud Hamrouche

Le danger

qui n'est pas encore venu

peut être évité.

Ancien proverbe hindou
 
 
La gravité de la situation politique en Algérie a fait sortir de son silence, l’ancien premier ministre, Mouloud Hamrouche. L’homme qui avait commencé des réformes courageuses de 1989 à juin 1991 revient sur le devant de la scène politique algérienne en s’adressant directement, dans une lettre ouverte, aux décideurs. En d’autres termes, à l’armée, au noyau dur qui détient le pouvoir réel, celui de la force militaire et, partant de toute force politique.
C’est que la situation est grave, très grave. Elle nous rappelle par certains côtés, la situation qui a forcé en 1998, le président Zeroual à démissionner, au plus fort du terrorisme.

Aujourd’hui, le contexte a certes changé. Mais les fondements de la crise demeurent. Ce n’est pas un hasard, si aujourd’hui, « on » s’attaque à une des communautés des plus paisibles en Algérie, la communauté mozabite à Ghardaïa. Ce n’est pas un hasard, que le « terrorisme résiduel » soit encore entretenu en Kabylie. Ce n’est pas un hasard que l’on parle d’Al-Qaïda dans certaines régions du Sud algérien. Ce n’est pas un hasard que des partis politiques ou des personnes appellent un président en fin de vie à se représenter pour un quatrième mandat quitte à ce qu’il reste sur un fauteuil roulant. L'Algérie ne mérite pas ce scénario macabre au 21ème siècle !

Il suffit désormais d'un rien pour que tout s'enflamme.

M. Hamrouche n’a pas, de mon point de vue,  de visée présidentielle dans les circonstances présentes que vit douloureusement le peuple algérien. Il voit plus loin que l’échéance du 17 avril. Il appelle les décideurs, l’armée, à se ressaisir avant qu’il ne soit trop tard.

Dans toute société, un pouvoir politique ne peut pas survivre sans contre-pouvoir. Un homme militaire, politique ou simple administrateur doit rendre des comptes devant ses pairs et devant la société. Les libertés d’expression, de croyance et de religion doivent être protégées pour que l’on puisse passer à un stade supérieur de la réflexion sur le devenir du pays. La jeunesse ne doit pas être oubliée. Comment lui redonner l’espérance quand l’avenir est bouché ? L'éducation doit être revue et mise au diapason des grands défis du siècle.

Il y a aussi d'autres impératifs.

L’Algérie nécessite, pour sa survie, un nouveau compromis historique.

Ainsi que M. Hamrouche le souligne lui-même : « Chaque crise a ses victimes et ses opportunités. Évitons de gâcher ces nouvelles opportunités ou d’avoir de nouvelles victimes. »

C’est pour toutes ces raisons et d’autres que je n’ai pas citées que je publie, ici, le message d’espérance et de mise en garde de M. Mouloud Hamrouche :

Déclaration de M. Mouloud HAMROUCHE

Ancien chef de gouvernement


Notre pays vit des moments sensibles qui vont conditionner son avenir immédiat et profiler irrémédiablement son devenir, au-delà de la présidentielle, indépendamment du fait que le Président soit candidat ou pas, par l’arrivée de nouvelles générations aux postes de responsabilité.

Pour que notre pays vive ces échéances dans la cohésion, la sérénité et la discipline légale et sociale, il est primordial que les différents intérêts de groupes, de régions et de minorités soient préservés et garantis. De même qu’il est impératif que l’État préserve tous les droits et garantisse l’exercice de toutes les libertés. Ceci est essentiel pour assurer la sécurité, renforcer les avancées, corriger les distorsions, et éliminer les failles.

Faut-il rappeler ici et maintenant que la renaissance de notre identité algérienne et notre projet national ont été cristallisés, abrités et défendus, successivement, par l’Armée de Libération Nationale, puis l’Armée Nationale Populaire ?

Cela n’a été possible que grâce aux hommes qui ont su trouver des compromis et élaborer des consensus. À chaque étape et à chaque crise, ces hommes ont su préserver l’unité des rangs, la discipline et transcender tout clivage culturel, tribal, régional en préservant l’identité et le projet national.

Faut-il convoquer aujourd’hui, la promesse d’édifier un État moderne qui survit aux hommes, aux gouvernements et aux crises ? Faut-il rappeler encore l’engagement pris de poursuivre le processus démocratique ? Faut-il invoquer la promesse de continuer la réforme ?

Nos constituants sociaux ne peuvent s’accommoder de pouvoir souverain sans contre-pouvoir. Il ne peut y avoir d’exercice d’un pouvoir d’autorité ou de mission sans habilitation par la loi et sans un contrôle. Il y va de l’intérêt et de la sécurité de l’Algérie, de tous les Algériens et de toutes les régions du pays.

C’est à ces conditions que notre Armée Nationale Populaire assurera sa mission plus aisément et efficacement et nos institutions constitutionnelles assumeront clairement leurs rôles et fonctions.

C’est à ces conditions aussi que notre peuple persévérera dans la voie du progrès, de l’équité et de la solidarité entre toutes ses composantes sociales, et appréhendera les enjeux, tous les enjeux et relèvera les défis, tous les défis, d’aujourd’hui.

C’est à ces conditions que notre État demeurera crédible, sérieux et fiable pour ses partenaires et ses voisins.

Chaque crise a ses victimes et ses opportunités.

Évitons de gâcher ces nouvelles opportunités ou d’avoir de nouvelles victimes.

Alger le 17/2/2014

Pour aller plus loin :

Boubekeur Ait Benali : Dans quel cas l’engagement de Hamrouche est-il porteur d’espoir ?

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