dimanche, mars 02, 2014

Algérie : La question n’est plus la présidentielle, mais comment sauver le pays?


M. Mouloud Hamrouche
 RFI
Le point de presse, jeudi passé, 27 février, de l’ancien chef de gouvernement, Mouloud Hamrouche, premier ministre de 1989 à 1991, ne laisse personne indifférent. Dans les commentaires de la presse, beaucoup regrettent ou soulignent le fait que l’homme des réformes – stoppées par les décideurs – à la fin des années 1980, ne se présente pas à l’élection présidentielle du 17 avril prochain.

M. Hamrouche se place dans l’après-élection et ses paroles sont mesurées.

Souvenons-nous quand les décideurs ont réussi à convaincre et à ramener un homme historique pour sauver le pays en 1992. Mohamed Boudiaf était sincère quand il disait qu’il faut « remettre les compteurs à zéro, s’attaquer aux causes et aux conséquences de la crise ». Et il ajoutait : « je ne veux pas que le sang coule à nouveau dans mon pays. Je tends la main à tous ». À la Maison de la culture d’Annaba, il rappelait encore que le « dernier objectif sera de revenir à la démocratie, mais une démocratie transparente… »

Nous connaissons tous la suite tragique.

Souvenons-nous du président Zeroual, homme honnête et sincère, soumis à de fortes pressions par ceux-là mêmes qui l’ont appelé, pour en fin de compte démissionner avant le terme de sa présidence.

C’est dire que depuis 1962, l’Algérie n’a eu aucun président librement élu ou libre de ses actes et digne de représenter le peuple algérien.

C’est dans ce sens qu’il faut comprendre le refus de M. Hamrouche de se lancer dans une course présidentielle dont l’objectif n’est pas le changement ni l’ancrage du pays dans le 21e siècle ni l'amélioration des conditions de vie des Algériens. Aussi, son message s’adresse davantage aux décideurs de l’armée tout en prenant l’opinion à témoin. C’est que la situation est très grave. L’Algérie a un besoin vital de rompre avec le régime politique fait de trahison, d’assassinats et de mépris du peuple.  

Aujourd’hui, la crise touche le cœur même du régime. Avec l’amenuisement des ressources énergétiques, quel candidat fou voudrait se mettre au gouvernail comme pantin dans un bateau à la dérive?

Le point de presse de M. Hamrouche est un avertissement à ceux, parmi les décideurs, qui veulent se voiler la face. Le système politique ne peut plus répondre aux problèmes d’aujourd’hui. Il a atteint ses limites. Le changement est vital. Il faut donc « faire tomber le régime, mais dans le calme et avec le soutien de l’armée, seule institution fortement organisée ».

En d’autres termes, l’armée doit accompagner et protéger le changement décidé par des civils. Et comment le changement peut-il se faire avec M. Bouteflika ou un autre? L’homme qui sera élu le 17 avril ne pourra apporter aucun changement dans le cadre du régime politique actuel et ne pourra de ce fait, répondre aux demandes pressantes des citoyens. Le désarroi général, dans un premier temps, et la catastrophe dans un second seront inévitables à court ou moyen terme.

Ce n’est pas d’une élection dont l’Algérie a besoin, mais d’un renouveau de la réflexion qui consiste à répondre aux défis d'aujourd'hui. Comment répondre aux défis d’aujourd’hui sans une réflexion collective à travers une Constituante?

C’est dans ce sens que M. Hamrouche souligne que « La crise dépasse cette élection (...) qui ne sert à rien (...) et [que son] sentiment est que ce régime n'est pas bon pour l'Algérie ».

Si les jeux sont déjà faits, pourquoi se représenter alors à une telle « élection présidentielle »?

On se souviendra longtemps de la conférence de presse de M. Mouloud Hamrouche qui connait le régime politique algérien de l'intérieur. Encore une fois, il s’adresse à la seule force organisée, l’armée, siège central de tout pouvoir en Algérie, tout en prenant à témoin l’opinion algérienne. L’armée peut-elle se remettre en cause ? Cela est nécessaire. Cela est possible. Il y va de sa propre survie et de celle de l’Algérie.
  

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