lundi, janvier 30, 2017

Éric-Emmanuel Schmitt : Fusillade au Québec, refoulements aux U.S.A.

Éric-Emmanuel Schmitt

Ce matin, déjà abattu par la grippe, j’ai eu envie, sitôt levé, de retourner me coucher pour fuir ce monde gangrené par la crétinerie. La fusillade qui vient de se produire au Québec — des hommes ont tiré à l’aveugle sur des fidèles dans une mosquée — me laisse sans voix, surtout après un weekend où Monsieur Trump a pris des décrets interdisant l’accès aux musulmans sur le sol américain. La bêtise triomphe. Des individus assassinent des innocents, des politiciens prétendument responsables refoulent des innocents. Pour ces têtes chaudes, il n’y a pas d’innocents. Ils se montrent aussi brutaux et sans nuances que les intégristes auxquels ils répondent.

Quelle tristesse : mener un bon combat, mais se tromper de coupables !  Quelle sottise : attiser en croyant apaiser !Quelle inconséquence : diviser au lieu de réunir !
Et quelle conception archaïque de la culpabilité ! Il me semblait qu’à travers les siècles l’humanité avait progressé dans sa perception de la culpabilité qui, de collective dans l’antiquité, avait fini par être cernée comme individuelle. Pas du tout, en fait ! On assimile musulman et terroriste d’une façon indue, statistiquement erronée, au mépris de la vérité historique, sociale et religieuse. Finalement, je ne vais pas fuir ce monde, mais y retourner pour prendre la parole, agir, écrire, jouer Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran, aider mes amis qui luttent contre l’injustice. L’humanisme est peut-être un combat que nous ne gagnerons jamais, mais ce qui fait la valeur d’un combat, ce n’est pas sa victoire, c’est sa raison d’être.
Je veux pouvoir aimer l’humanité. Je ne veux, de l’humanité, que le meilleur.
Texte publié par Éric-Emmanuel Schmitt sur sa page Facebook

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