On a beaucoup parlé d’Albert Camus (1913-1960), ces derniers temps. C’est un auteur dont j’ai parcouru de long en large l’œuvre, croyant avoir tout saisi. Mea culpa! Je n’ai jamais pensé jusqu’à ce jour à l’influence de l’Inde sur l’enfant de Belcourt, ce vieux quartier d’Alger. Je viens de terminer en effet, la lecture d’un livre (1) qui m’a renversé et, en même temps conforté dans certaines de mes convictions, avant même de lire Sharad Chandra (2).
Ce livre de Chandra porte comme titre « Albert Camus & l’Inde ». Dans la quatrième de couverture, il y a cette interrogation : « Il reste un mystère Camus. Et s’il était percé, enfin, grâce à cet essai de Sharad Chandra? Oui, si L’étranger devait se lire comme un cheminement vers l’épurement, la vacuité; Le Mythe de Sisyphe comme un appel à l’Éveil; La Peste comme l’aspiration à une « sainteté sans Dieu »; Noces comme une nostalgie de l’unité originelle; tous concepts et pratiques au cœur de l’hindouisme et du bouddhisme? »
Dans le corps du livre, on apprend que le professeur de philosophie d'Albert Camus était Jean Grenier, grand expert et traducteur du sanskrit. On apprend aussi que Simone Weil (1909-1943, philosophe chrétienne), saisie par les écritures saintes de l'hindouisme, était éditée par Camus au service, à l’époque, de Gallimard.
Albert Camus avait fréquenté quantité de textes de philosophie indienne et plusieurs renvois sont mentionnés dans ses Carnets ou dans le Mythe de Sisyphe.
Sharad Chandra note qu’on ne peut soutenir « avec certitude que Camus, découvrant la littérature religieuse indienne, se soit borné à lire la Gîta. Ce que l’on peut affirmer, en revanche, c’est qu’il y a eu convergence, dans son esprit entre cette lecture et ses propres pensées – ce que révèlent ses propres écrits dans lesquels on relève maints échos aux grands concepts de la philosophie indienne (3). »
La pensée de Camus s’inscrit par ailleurs, dans la tradition de Parménide, Platon, Saint-Thomas d’Aquin, Kant et Schopenhauer qui, tous, ont fréquenté peu ou prou la pensée indienne.
Le livre de Sharad Chandra trace un certain nombre de thèmes récurrents dans l’œuvre de Camus et qui sont propres à la philosophie indienne : l’absurde, la révolte, etc.
Quelques mois avant l’accident qui lui coûta la vie, Camus avait dit : « J’ai un sens du sacré, mais je ne crois pas à une vie future (4) »
Le sens du sacré! Voilà qui résume l’œuvre de Camus et c’est ce qui le rapproche de la philosophie indienne. Ce sens du sacré, ainsi que l’écrit Sharad Chandra, c’est ce qui pousse à éprouver la nostalgie de Dieu, sinon des origines.
Notes:(1) Sharad Chandra, Albert Camus & l'Inde, Indigène éditions, Paris, 2008.
(2) Sharad Chandra, né en 1943 à Jaïpur, vit aujourd'hui à New Delhi. Universitaire, poète, elle est la traductrice, en hindi, d'Albert Camus.Elle est membre fondatrice de la Société pour des valeurs humaines et pour une responsabilité universelle, à New Delhi.
(3) p. 42
(4) p. 186
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