Azzedine Achour |
En 1994, la confrontation sanglante en Algérie entre groupes islamiques armés et forces militaires fait des dizaines de morts chaque jour. Les islamistes menaçaient aussi tous les intellectuels, artistes, journalistes et sympathisants de gauche dans le pays.
Dans la ville de Tlemcen, dans l’ouest de l’Algérie, Azzedine Achour, économiste, cadre dirigeant dans l’industrie est connu pour son militantisme au sein d’un parti socialiste. Il reçoit des menaces claires, il n’a pas d’autres choix que de quitter précipitamment le pays.
La même année, les États-Unis organisent pour la première fois de leur histoire la coupe du monde de soccer. «L’ambassade des États-Unis à Alger facilitait l’octroi de visas aux Algériens pour aller assister aux matchs», raconte-t-il
C’est comme cela que M. Achour, sa conjointe et leurs trois filles embarquent dans un avion pour Paris, puis pour un autre vers New York. «Une fois à New York, il fallait rapidement quitter le pays vers le Canada si on souhaitait revendiquer le statut de réfugiés», souligne-t-il.
Le lendemain, il prenait avec sa famille un taxi qui les emmenait à Lacolle. En arrivant devant le poste frontière il annonce: «Je revendique le statut de réfugié à la république du Québec», phrase que récupérera Philippe Falardeau dans son film Monsieur Lazhar.
À Montréal, c’est avec 287$ US en poche qu’il comptait refaire sa vie. S’enchaînaient alors démarches et petits boulots pour subvenir aux besoins de la famille.
Parcours d’un réfugié
En tant que revendicateur de statut de réfugié, il n’avait pas droit à grand-chose. En cherchant du travail, il apprend que pour accéder à certains services il fallait suivre des cours de francisation.
L’universitaire qui a étudié toute sa vie en français s’inscrit pour apprendre la langue de Molière durant huit semaines. «Tous les jours, je prenais avec moi un paquet de jeux de mots croisés pour passer le temps. Parfois je participais aux cours pour ne pas gêner l’enseignant.»
Ces cours lui permettront d’obtenir un premier emploi au sein du Carrefour d’aide aux réfugiés de Sainte-Croix, un organisme religieux, installé à Ahuntsic. «Je devais recruter des gens pour prendre des cours de francisation, J’écumais tous les lieux où je pouvais les trouver. En un mois, tout le quartier me connaissait», se souvient-il.
Avec le temps, M. Achour obtient sa résidence permanente et peut essayer de se trouver un emploi plus en rapport avec ses compétences. C’est ainsi que le Carrefour d’aide aux réfugiés de Sainte-Croix cherchait un directeur après le départ de sœur Andrée Leblanc leur directrice. Il se présente à l’entrevue et il est recruté.
«C’était la fête à la maison sauf que je remplaçais une religieuse qui elle avait fait vœux de pauvreté, elle touchait un salaire de 7$ de l’heure», se souvient -il.
Cette entrée de plain-pied dans le domaine communautaire permettra à M. Achour de rejoindre rapidement le Conseil d’Administration de Solidarité Ahuntsic, d’abord comme trésorier, ensuite comme président. Sa nomination à la tête de l’organisme viendra tout naturellement en 2001. Poste qu’il ne quittera pas jusqu’à aujourd’hui.
Des années de satisfactions
De ses 18 ans à la tête de Solidarité Ahuntsic, Azzedine Achour ne tire que des satisfactions. «En dehors quelques travaux administratifs laborieux, je n’ai jamais vraiment travaillé. Ce n’était que du plaisir», dit-il.
Pour lui, œuvrer à Solidarité Ahuntsic signifiait surtout rencontrer presque tous les jours des gens intéressants.
«On a toujours su qu’il fallait lutter contre la pauvreté, mais comment le faire? La connaissance du territoire est essentielle et travailler sur le terrain permet de comprendre de manière concrète les problèmes», souligne-t-il
Ces années d’action c’est également beaucoup de temps et d’énergie au service des autres.
«Résoudre des problèmes, c’est aussi mettre place des stratégies qui à moyen ou long terme donnent des résultats concrets et j’adore ça. C’est comme cela qu’on réalise en passant en bus dans une rue d’Ahuntsic que tel bâtiment ou tel édifice a été construit parce qu’on y a contribué. C’est une de mes plus belles satisfactions.»
S’il doit tirer un constat de ces années de travail, c’est la compréhension que chaque intervenant a de la lutte contre la pauvreté à Ahuntsic.
«Tout le monde, que ce soit les élus ou les administrations ont la même vision des problématiques et se rejoignent sur la manière d »intervenir, mais c’est au bout de longs et difficiles processus qu’on obtient l’adhésion de tous.»
Amine Esseghir, journal Metro du 7 juin 2018.
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