vendredi, juillet 18, 2014

Albert Camus et « l’indifférence clairvoyante »


C’est une « simple intuition » qui a poussé Johanne Dubois sur une piste originale de réflexion à propos de l’œuvre d’Albert Camus. Le titre complet de son mémoire soutenu en 2012 à l’UQAM pour une Maîtrise en sciences des religions, indique la direction suivie : « L’indifférence clairvoyante » chez Albert Camus et le « détachement affectueux » dans la tradition de l'Advaïta-Vedanta ».
J’ai déjà expliqué ici qu’Albert Camus s’intéressait à la pensée de l’Inde. Et inversement, les chercheurs indiens se sont penchés sur l’auteur du Mythe de Sisyphe à la lumière de la philosophie hindoue.
En abordant par l’analyse comparative les notions « d’indifférence clairvoyante » et de « détachement affectueux », Johanne Dubois a ouvert par le biais de la philosophie comparée, de « nouvelles pistes de lecture » afin de comprendre « autrement » l’œuvre d’Albert Camus.
Dans ce cadre, elle a choisi de faire appel à un grand sage de l’Advaïta (non-dualité) Nisargadatta Maharaj afin de faire ressortir les points communs et les différences entre les deux pensées.
« En effet, écrit-elle en résumé, dans Le Mythe de Sisyphe, l'indifférence « clairvoyante » représente la position idéale à adopter pour appréhender le monde de façon sereine. Synonyme de juste mesure, elle constitue une certaine forme de détachement afin de mieux aborder la question existentielle dans son ensemble. À cet égard, le détachement « affectueux », de Nisargadatta Maharaj englobe cette définition, mais donne à l'expression une connotation précise qui implique également une forme d'amour inconditionnel qui est sans attente et sans peur ».
Nisargadatta
Cette recherche se veut donc une « exploration heuristique ». Dans quelle mesure la conception de l'indifférence clairvoyante pourrait s'apparenter ou se distinguer de celle du concept de détachement dans l'Advaita-Vedanta?
Dans le champ d’examen traité par l’auteure, il m’a paru intéressant de signaler quelques points à retenir :
Pour Camus, l’homme moderne a perdu tous ses repères. Dans l’affrontement avec le réel, la raison et la science sont impuissantes à répondre à son questionnement fondamental. De là, le désenchantement du monde. Mais, il ne s’arrête pas là. Il comprend que le salut de l’homme repose sur la « révolte » et la « solidarité humaine ».
Dans le cadre de cet espace, je ne fais que rapporter l’excellent travail de Johanne Dubois. De mon point de vue, Camus a approché de près la question fondamentale du qui-suis-je? — pour faire référence à Nisargadatta Maharaj. Cependant, il n’a jamais plongé dans le Vide que laisse cette question sans réponse. C’est tout le contraire du sage de Bombay qui a accepté de mourir à l’individu pour retrouver sa véritable nature.

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