C’est une « simple intuition » qui a
poussé Johanne Dubois sur une piste originale de réflexion à propos de l’œuvre
d’Albert Camus. Le titre complet de son mémoire soutenu en 2012 à l’UQAM pour
une Maîtrise en sciences des religions, indique la direction suivie : « L’indifférence clairvoyante » chez Albert Camus et le « détachement affectueux » dans la tradition de l'Advaïta-Vedanta ».
J’ai déjà expliqué ici qu’Albert Camus s’intéressait
à la pensée de l’Inde. Et inversement, les chercheurs indiens se sont penchés
sur l’auteur du Mythe de Sisyphe à la
lumière de la philosophie hindoue.
En abordant par l’analyse comparative les notions « d’indifférence
clairvoyante » et de « détachement affectueux », Johanne Dubois
a ouvert par le biais de la philosophie comparée, de « nouvelles pistes de
lecture » afin de comprendre « autrement » l’œuvre d’Albert
Camus.
Dans ce cadre, elle a choisi de faire appel à un
grand sage de l’Advaïta (non-dualité) Nisargadatta Maharaj afin de faire
ressortir les points communs et les différences entre les deux pensées.
« En effet, écrit-elle en résumé, dans Le Mythe de Sisyphe, l'indifférence « clairvoyante » représente la position idéale à
adopter pour appréhender le monde de façon sereine. Synonyme de juste mesure,
elle constitue une certaine forme de détachement afin de mieux aborder la
question existentielle dans son ensemble. À cet égard, le détachement « affectueux
», de Nisargadatta Maharaj englobe cette définition, mais donne à l'expression
une connotation précise qui implique également une forme d'amour inconditionnel
qui est sans attente et sans peur ».
Nisargadatta |
Dans le champ d’examen traité par l’auteure, il m’a
paru intéressant de signaler quelques points à retenir :
Pour Camus, l’homme moderne a perdu tous ses repères.
Dans l’affrontement avec le réel, la raison et la science sont impuissantes à répondre
à son questionnement fondamental. De là, le désenchantement du monde. Mais, il
ne s’arrête pas là. Il comprend que le salut de l’homme repose sur la « révolte »
et la « solidarité humaine ».
Dans le cadre de cet espace, je ne fais que
rapporter l’excellent travail de Johanne Dubois. De mon point de vue, Camus a
approché de près la question fondamentale du qui-suis-je? — pour faire référence
à Nisargadatta Maharaj. Cependant, il n’a jamais plongé dans le Vide que laisse
cette question sans réponse. C’est tout le contraire du sage de Bombay qui a
accepté de mourir à l’individu pour retrouver sa véritable nature.
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