lundi, novembre 11, 2013

Djamal Amrani : la première étude universitaire sur le poète et son oeuvre


 
Illustration page de couverture du mémoire :
Marc Chagall, Le paysage bleu, détail, 1949
Djamal Amrani nous a quittés le 2 mars 2005. Huit ans déjà ! La première étude sérieuse de son œuvre, une étude universitaire, nous vient de France. Elle est signée par Mélanie Donie. C’est un mémoire réalisé sous la direction du professeur Xavier Garnier et soutenu en juin dernier devant M. Garnier et Mme Calle-Gruber pour l’obtention du master II, lettres modernes, à l’Université de la Sorbonne Nouvelle-Paris III.

D’abord le titre de ce mémoire : « Djamal Amrani » et, en sous-titre, « Poésie du désir, désir de poésie ».

Pourquoi Djamal Amrani ?

Mélanie Donie qui a déjà lu un certain nombre de poètes du Maghreb dans le cadre de ses études a été particulièrement sensibilisée par l’histoire du poète algérien, et surtout, par son écriture « extrêmement délicate ». À la lecture des œuvres poétiques de Djamal Amrani, elle dégage un fil directeur, celui du désir. Ce dernier est présent d’un recueil à l’autre. Mais qu’est-ce que le désir ? Comment devient-il source de création ? Comment se manifeste-t-il ? Quelle relation le désir entretient-il avec la poésie ? Enfin, l’écriture du désir et le désir en lui-même se trouvent-ils influencés par les événements qui se déroulent en Algérie puisque « la publication des recueils débute en 1964, peu après la fin de la guerre d’Algérie pour finir en 2003, quelques années après la fin de la guerre civile ? »

La problématique

C’est à partir de ces questions que Mélanie Donie va construire sa problématique. Elle place Djamal Amrani dans la lignée de Paul Éluard, de René Char ou de Robert Desnos pour qui « le poème d’art poétique serait moins l’outil de la poétique comme de l’érotique que le moyen d’expression d’une limite provocante, la plus provocante peut-être où puisse se tenir la poésie (1) »
Djamal Amrani a publié une quinzaine de recueils de poésie à la lecture desquels, s’interroge l’auteure, le lecteur est partagé : poésie du désir ou poésie engagée ?
Comme pour les poètes cités, Mélanie Donie retrouve dans l’œuvre de Djamal Amrani « les deux versants, érotique et engagé de la poésie ». La question se pose cependant qui est de savoir « quels sont les liens qui peuvent exister chez l’Algérien, entre ces deux aspects de la poésie qui peuvent paraître absolument contradictoires ».
L’auteure a décidé à cet égard de s’en tenir aux Œuvres choisies, publiés en 2003 (2). Les quelque cinq cents poèmes ont été écrits entre 1962 et 2003. À cela, elle complète sa recherche avec quatre recueils : Aussi loin que mes regards se portent, Jour couleur de soleil, La plus haute source et Au jour de ton corps. Ces derniers textes semblent tenir « une place importante dans l’écriture que Djamal Amrani faisait du désir ».

C’est à partir de la vision de la poésie de Djamal Amrani que Mélanie Donie développe le sujet, entendons, la poésie du désir. En conséquence, il faut voir dans quelles mesures, la « poésie devient elle-même un objet de désir et tend à servir la vision du monde du poète ».
Mélanie Donie donne quelques éléments à caractère biographique de Djamal Amrani en s’appuyant notamment sur les témoignages de ceux qui l’ont connu à l’instar de Boussade Berrichi, Arezki Metref, Abdelmadjid Kaouah et Mouloud Belabdi. Elle fait appel aussi et surtout à une bibliographie exhaustive sur la poésie algérienne et l’écriture du désir.
Le mémoire est construit autour de trois grands chapitres : l’idéal poétique de Djamal Amrani, le désir objet et la poésie [qui] naît du désir. En conclusion, Mélanie Donie note qu’un poète « qui perdure dans le temps et dont on se rappelle le message doit dépasser l’engagement temporel que peut lui imposer l’époque et se doit de créer son propre univers. Contrairement à ce qui peut transparaître dans les différentes interviews données par Djamal Amrani (…) la guerre et la violence ne sont pas des éléments centraux (bien que constitutifs) de l’univers poétique de l’artiste. (…). Sa poésie est avant tout motivée par un sentiment plus grand et universel : le désir. »
Et c’est là, le cœur du questionnement développé par l’auteure. Je n’en dirais pas plus, sinon que la poésie de Djamal Amrani est à son image : simple et complexe.
À travers ce mémoire précieux, Mélanie Donie souhaite rendre à Djamal Amrani « sa parole et participer ainsi à la conservation de sa mémoire ». Elle renouvelle l’image de l’œuvre et de l’homme que nous pensions pourtant bien connaître.
Bien qu’ayant fait une lecture journalistique d’un travail universitaire, une publication serait la bienvenue pour un partage plus large afin d’inciter d’autres chercheurs à se pencher sur la vie et l’œuvre de Djamal Amrani, un poète solaire.

(1) DEMARBAIX, Margaux, l’art poétique de Robert Desnos : figures érotiques, figures poétiques, dans le cadre d’une journée d’étude « Arts poétiques et arts d’aimer, http://www.fabula.org/colloques/document1063.php
(2) AMRANI, Djamal, Œuvres choisies, ANEP, Alger, 2003

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