Illustration page de couverture du mémoire : Marc Chagall, Le paysage bleu, détail, 1949 |
D’abord le titre de ce
mémoire : « Djamal Amrani » et, en sous-titre, « Poésie du
désir, désir de poésie ».
Pourquoi Djamal Amrani ?
Mélanie Donie qui a déjà lu
un certain nombre de poètes du Maghreb dans le cadre de ses études a été
particulièrement sensibilisée par l’histoire du poète algérien, et surtout, par
son écriture « extrêmement délicate ». À la lecture des œuvres
poétiques de Djamal Amrani, elle dégage un fil directeur, celui du désir. Ce
dernier est présent d’un recueil à l’autre. Mais qu’est-ce que le désir ?
Comment devient-il source de création ? Comment se manifeste-t-il ? Quelle
relation le désir entretient-il avec la poésie ? Enfin, l’écriture du
désir et le désir en lui-même se trouvent-ils influencés par les événements qui
se déroulent en Algérie puisque « la publication des recueils débute en
1964, peu après la fin de la guerre d’Algérie pour finir en 2003, quelques
années après la fin de la guerre civile ? »
La problématique
C’est à partir de ces
questions que Mélanie Donie va construire sa problématique. Elle place Djamal
Amrani dans la lignée de Paul Éluard, de René Char ou de Robert Desnos pour qui
« le poème d’art poétique serait moins l’outil de la poétique comme de
l’érotique que le moyen d’expression d’une limite provocante, la plus
provocante peut-être où puisse se tenir la poésie (1) »
Djamal Amrani a publié une
quinzaine de recueils de poésie à la lecture desquels, s’interroge l’auteure,
le lecteur est partagé : poésie du désir ou poésie engagée ?
Comme pour les poètes cités,
Mélanie Donie retrouve dans l’œuvre de Djamal Amrani « les deux versants,
érotique et engagé de la poésie ». La question se pose cependant qui est
de savoir « quels sont les liens qui peuvent exister chez l’Algérien,
entre ces deux aspects de la poésie qui peuvent paraître absolument
contradictoires ».
L’auteure a décidé à cet
égard de s’en tenir aux Œuvres choisies, publiés en 2003 (2). Les quelque cinq cents
poèmes ont été écrits entre 1962 et 2003. À cela, elle complète sa recherche
avec quatre recueils : Aussi loin que mes regards se portent, Jour couleur
de soleil, La plus haute source et Au jour de ton corps. Ces derniers textes
semblent tenir « une place importante dans l’écriture que Djamal Amrani
faisait du désir ».
C’est à partir de la vision de la poésie de Djamal Amrani que Mélanie Donie développe le sujet, entendons, la poésie du désir. En conséquence, il faut voir dans quelles mesures, la « poésie devient elle-même un objet de désir et tend à servir la vision du monde du poète ».
Mélanie Donie donne quelques
éléments à caractère biographique de Djamal Amrani en s’appuyant notamment sur
les témoignages de ceux qui l’ont connu à l’instar de Boussade Berrichi, Arezki
Metref, Abdelmadjid Kaouah et Mouloud Belabdi. Elle fait appel aussi et surtout
à une bibliographie exhaustive sur la poésie algérienne et l’écriture du désir.
Le mémoire est construit
autour de trois grands chapitres : l’idéal poétique de Djamal Amrani, le
désir objet et la poésie [qui] naît du désir. En conclusion, Mélanie Donie note
qu’un poète « qui perdure dans le temps et dont on se rappelle le message
doit dépasser l’engagement temporel que peut lui imposer l’époque et se doit de
créer son propre univers. Contrairement à ce qui peut transparaître dans les
différentes interviews données par Djamal Amrani (…) la guerre et la violence
ne sont pas des éléments centraux (bien que constitutifs) de l’univers poétique
de l’artiste. (…). Sa poésie est avant tout motivée par un sentiment plus grand
et universel : le désir. »
Et c’est là, le cœur du
questionnement développé par l’auteure. Je n’en dirais pas plus, sinon que la
poésie de Djamal Amrani est à son image : simple et complexe.
À travers ce mémoire
précieux, Mélanie Donie souhaite rendre à Djamal Amrani « sa parole et
participer ainsi à la conservation de sa mémoire ». Elle renouvelle
l’image de l’œuvre et de l’homme que nous pensions pourtant bien connaître.
Bien qu’ayant fait une
lecture journalistique d’un travail universitaire, une publication serait la
bienvenue pour un partage plus large afin d’inciter d’autres chercheurs à se
pencher sur la vie et l’œuvre de Djamal Amrani, un poète solaire.
(2) AMRANI, Djamal, Œuvres choisies, ANEP, Alger, 2003
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