mercredi, mai 19, 2021

Mohamed Touati et la Rue des Blancs-Manteaux


Rue des Blancs-Manteaux est une rue de Paris, située dans un quartier historique au bord de la Seine, Le Marais. C’est là où Mohamed Touati a vécu à 20 ans.  C’est un lieu réel. C’est aussi un espace ouvert à tous les rêves et passions dans l’imaginaire du poète. C’est cette rue qui donne son nom au recueil de poèmes que viennent de publier les éditions Tangerine nights, à Paris, dans la collection Pourquoi pas la nuit. 
Mohamed Touati a fait des études d’anthropologie. C’est ce qui l’a décidé à passer une grande partie de sa carrière dans la féérie désertique du Tassili, dans le fin fond du Sahara algérien. Publiquement, il est surtout connu en tant que journaliste, pour ses analyses notamment économiques au quotidien L’Expression. Son jardin qui n’est plus secret, c’est la poésie. Il a d’ailleurs remporté le Premier Prix des Poésiades de Béjaïa, en 1995. 

Le texte poétique n’est pas facile au premier abord. Il faut dans un premier temps, apprécier les sons, les métaphores, le ou les sens. Il faut ensuite le relire, si possible, à haute voix. Et dans cette relecture, il y a des glissements de sens. 

Dans le cas de Mohamed Touati, les thèmes principaux des poèmes ont trait à la nostalgie des années parisiennes, l’évocation du désert du Tassili, à l’histoire, aux drames récents qui ont déchiré l’Algérie. L’éditeur note à ce propos que « L’amour, mais aussi les tragédies algériennes, guident une écriture passionnée, reflet des joies et des tristesses » de l’auteur.   

Pour aller plus loin avec Mohamed Touati

Dans la préface, le regretté Ahmed Azeggagh vous compare à René Char ou du moins, suggère que vous êtes sur ses traces. Et dans la postface écrite par Hamma Meliani, il est dit que dans la parole poétique de Mohamed Touati, il y a du Bachir Hadj Ali. Comment êtes-vous venu à poésie ?

Ahmed Azeggagh et Hamma Meliani sont très proches de moi. Ils font partie du cercle restreint de mes amis. La comparaison qu’ils font de moi avec ces deux immenses poètes est élogieuse, mais ils ne l’ont pas faite, très probablement de manière fortuite, étant donné qu’ils ont certainement cerné ma personnalité. Ces parallèles sont peut-être dus à la manière dont j’appréhende le monde poétique, à des tranches de vie qui ont tracé cette trajectoire qui s’est traduite par des mots divinement sublimés. S’apparentent-ils à ceux de René Char, Bachir Hadj Ali… ? Ahmed et Hamma ont tranché. Ils ont mis la barre très haut. J’avoue que c’est très stimulant.    
 
Quelles sont vos influences ?

Mes influences sont multiples. Le champ est vaste.  Rimbaud, Baudelaire, García Lorca, Verlaine, Jules Supervielle, Desnos, Eluard, Kateb Yacine, Mohamed Dib, Jean Amrouche, Anna Greki… figurent parmi celles qui ont façonné mon itinéraire.  
   
Dans votre recueil, il y a comme deux moments, deux lieux, deux histoires : les « Ballades parisiennes » et la « Complainte d’Alger » qui sont deux titres distincts entre autres de votre recueil. Et ici et là, dans d’autres poèmes, des références subtiles au désert, au pays des Touaregs. On a cette impression que les poèmes ont été écrits en diverses périodes de votre vie. Qu’est-ce qui a guidé votre écriture ?

Exact. Les textes ont été écrits à des périodes différentes. Cela remonte aux bancs de l’école vers 11-12 ans jusqu’à aujourd’hui. Un long chemin n’est-ce pas ? L’exil, mon séjour parisien qui a duré de 1974 à 1993 pratiquement sans interruption a cependant forgé cette verve poétique qui sommeillait quelque part en moi. C’est durant cette période où je fis la « rencontre » de tous ces monuments de la poésie (Rimbaud Baudelaire, Supervielle, García Lorca… qu’a eu lieu l’éveil qui a transcendé des expériences humaines (politiques, syndicales, amoureuses…) souvent très douloureuses avec l’espoir de magnifier une trajectoire contrariée à l’image de cette Algérie qui reste à construire ! À tous ces rêves inachevés. Mon retour au pays a accéléré le mouvement de cette spirale, de cette quête poétique. Délirant et lucide à la fois. C’était en plein décennie noire, une période tragique qui s’est télescopée avec mon séjour « tassilien » qui a adouci par moment cette tragédie. La découverte d’un monde merveilleux où prédominent la non-violence et un pan remarquable, occulté, de notre culture. Une écriture de l’urgence s’est imposée. Ce fut ma période la plus féconde. Je lui dois certainement « Rue des Blancs Manteaux ».


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